La chirurgie doit beaucoup au Roi Louis XIV

 

Etre chirurgien est un joli métier et un gage de réussite sociale... Aujourd'hui en tout cas ! Car sachez que jusqu'au milieu du XVIIIème siècle, cette profession n'était pas reconnue par la médecine. Et c'est grâce au Roi-Soleil que le chirurgien acquit ses lettres de noblesse au sein des disciples d'Hippocrate. Voyons donc pourquoi finalement c'est la lune du Roi-Soleil qui est au centre de l'"affaire" !

A l'origine, les chirurgiens étaient méprisés par les médecins. Il fallut un abcès de Louis XIV mal placé pour imposer leur savoir-faire.

Au XIIe siècle, la responsabilité des actes opératoires jusque-là assuré par le clergé cessa, par ordre de la papauté. Ce travail revint à des « opérateurs » de condition humble, souvent illettrés et sous la coupe des médecins. Avec le temps, certains s’affranchirent de la tutelle médicale, créant, à Paris en 1268, leur confrérie, les Jurés de Saint-Côme (leur saint patron). Ce schisme fut la source de disputes incessantes entre médecins et opérateurs. Au XVIIe siècle, les querelles étaient telles que Louis XIV dut intervenir. En 1660, un arrêt du Parlement de Paris décrétait le rassemblement des opérateurs et des barbiers en une seule corporation. La plupart des chirurgiens durent alors « tenir boutique sur rue », comme des commerçants. L’opprobre tombait sur leur profession. Le doyen de la faculté de Paris, Guy Patin, était le porte-parole de la vindicte médicale : « Ce ne sont que des laquais bottés, déclarait-il en 1672, une espèce d’extravagants petits maîtres portant moustache et brandissant des rasoirs ! »

Le postérieur du Roi-Soleil au secours des opérateurs. Par un ironique retournement de l’Histoire, la situation peu réjouissante des chirurgiens allait changer grâce au cul du Roi-Soleil, le plus puissant souverain d’Europe. En 1686, Louis XIV, passionné de parties de chasse et de longues chevauchées, se plaignit d’une blessure de selle, très fréquente à l’époque, favorisée par une hygiène anale déplorable. Il ne se lavait jamais, sauf un peu le visage, craignant que cela lui ramollisse la peau. Antoine d’Aquin, premier médecin du roi, découvrit un abcès fessier pour lequel il proposa, comme à son habitude, un lavement par clystère. Rien n’y fit. Le roi dut s’aliter et annuler le Conseil des ministres, ce qui n’arrivait jamais. La fièvre le prit. La cour s’inquiéta. Une nuit, enfin, il ressentit une douleur aiguë suivie d’un soulagement brutal : l’abcès s’était spontanément évacué. Tout rentra dans l’ordre. Louis reprit ses activités.

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Mais après deux ou trois semaines, l’abcès se reconstitua. Guy-Crescent Fagon, second médecin du roi (il sera le premier à partir de 1693), essaya divers cataplasmes et onguents ainsi que les eaux thermales de Barèges. Sans résultat. Ne sachant plus quoi faire, d’Aquin et Fagon firent mander Charles-François Félix, premier chirurgien du roi, qui leur devait obéissance. Félix diagnostiqua une fistule anale, fin canal partant de l’intérieur de l’anus et s’extériorisant à une fesse sous la forme d’un abcès récidivant. Il fallait sectionner à l’aide d’une lancette (bistouri très fin) tous les tissus, de l’anus jusqu’à l’abcès. La plaie, en cicatrisant, ferait disparaître la fistule. Louis XIV accepta immédiatement. Félix avoua ne pas avoir la pratique de cette opération et vouloir s’exercer. Ce qu’il fit, avec l’aval du roi, sur quelques miséreux des hospices et cavaliers de l’armée, populations où les fistules anales ne manquaient pas.

L’opération dite « la royale » eut lieu le 18 novembre 1686 au château de Fontainebleau. Après une messe où le roi pria pour son salut, il se mit à genoux, le fondement tourné vers la fenêtre de sa chambre, en présence d’un nombre restreint de témoins, dont Mme de Maintenon, son confesseur, le père Lachaise, ses médecins et apothicaires et son principal ministre d’Etat, François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, dont il saisit la main. « Sire, puis-je inciser ? » demanda Félix. « Allons ! » rétorqua le roi. L’opérateur officia promptement avec une grande douceur mais sans anesthésie. Louis XIV n’émit aucun son mais planta profondément ses ongles dans la chair de Louvois, qui se tut tout autant.

Quinze jours plus tard, on dut se rendre à l’évidence : la guérison était incomplète, on courait à la récidive. Le roi, qui appréciait Félix, sa modestie, son honnêteté et le tenait en grande estime, accepta une seconde intervention. Elle eut lieu sans témoin, le 7 décembre 1686. Succès total. Fin mars, Louis était guéri. Félix reçut la somme extraordinaire de 150 000 livres, des terres, fut anobli et auréolé de gloire. Une gloire qui rejaillit sur toute la corporation des chirurgiens. Félix en profita pour demander au roi que l’honneur de ces derniers soit rétabli. En novembre 1691, un édit royal sépara les métiers de barbiers-perruquiers et de chirurgiens, seuls habilités à pratiquer des actes opératoires, que les médecins s’étaient plus à confondre. Dans cette continuité, le 18 décembre 1731, Louis XV allait approuver la création, de l’Académie de chirurgie. Dès lors, être chirurgien ne fut plus une honte…